Mère Silouana, n'empêche, même si la grâce a abondé, ce que je crois volontiers, je me sens très agacée par la volonté du Seigneur pour ce qui est de la mort de mère Rafaela. Je conteste auprès de Lui de tels événements incompréhensibles et inacceptables humainement.
Sarah
Ma Sarah que j’aime tant,
A la lecture de ta question je ressens, dans ma chair, ton agacement, ta révolte, ton incompréhension. Ce mélange de sentiments, c’est la voix de notre chair, la voix de l’homme déchu qui a choisi de survivre au lieu de vivre, et qui n’ose pas croire aux promesses de notre Sauveur. Bien qu’il ressente la plupart du temps le fruit de ces promesses, même si quelquefois il y goûte pleinement, il n’ose pas croire qu’elles peuvent remplacer ce qu’on considère humainement comme étant le « mieux » pour nous.
Je comprends ta blessure profonde, mais je ne me joins pas à ton cri. Pourquoi ? Car c’est au plus profond de ma nature déchue que le Seigneur a pénétré pour me prendre dans Ses bras aimants au moment même de ma tentative d’y pénétrer. Avec Lui, je peux accepter tous les évènements de la vie, ainsi que mes réactions à ces évènements. Merci, mon Dieu !
Et toi, ma Sarah bien-aimée, pourquoi n’y arrives-tu pas ? Car tu es encore une enfant blessée qui n’a pas ressenti la miséricorde du Consolateur divin, et qui n’a pas encore renoncé aux significations de ce monde. Eh oui, le renoncement fait mal, ça fait mal comme une mort qui ne mène nulle part (voilà pourquoi la foi est indispensable), mais c’est une naissance à une toute nouvelle vie. En refusant la douleur, les douleurs de cette naissance, on ne fait qu’accumuler beaucoup de souffrance qui nous empêche de renaître.
Tu sais, la douleur peut être vécue de trois manières différentes :
1. Comme une naissance à la vie divino-humaine que l’instinct de conservation considère comme dangereuse et déplaisante. C’est une ouverture permanente à tout ce qui nous arrive et cela vient comme un don de Dieu et un devenir avec Lui. La douleur se fait, à tout moment, porte d’accès à un Au-delà qui est notre chez-soi.
2. Par la révolte et dans l’accusation. C’est une contamination de la raison par les informations des anges déchus, qui veulent qu’on soit des esclaves de leur point de vue sur la vie et le bonheur.
3. Avec héroïsme. On supporte la douleur avec la fierté que l’être humain est capable de ne pas fléchir sous le poids des épreuves. En agissant ainsi, l’être humain devient un « support », c’est-à-dire un objet, et n’est plus un sujet vivant, aimé et aimant ceux qu’il rencontre ou ceux vers qui il se dirige.
Pardonne-moi, Sarah ! Tu ne peux peut-être pas accepter mes paroles, mais cela arrivera bientôt. Tu découvriras alors, avec étonnement et reconnaissance, que la vie n’est pas une suite d’évènements, mais une RELATION. Une relation avec la Vie qui est Dieu, directement ou par l’intermédiaire de Ses dons. Et également des relations avec les autres êtres humains et leurs dons à eux.
Je t’embrasse affectueusement, Sarah ! Je te porte dans mes prières !